Par ordre Chronologique 1918

Le célèbre philosophe parle sur la raison et explique que la raison en elle-même n’est pas un guide fiable pour la recherche de la vérité

Baruch Spinoza - reçu par James Padgett le 14 Avril 1918, Washington, USA.

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Je suis, Spinoza. 1

Je souhaite écrire quelques lignes, si vous me le permettez. Je n’ai pas besoin de dire que je ne vous ai jamais écrit auparavant, car vous savez, de par la difficulté que j’ai à écrire, que tel doit être le cas. Non, je suis étranger à ce mode de communication, et pour vous, comme pour moi, c’est une merveilleuse révélation qui s’est imposée ces derniers jours.

Je n’ai pas l’intention d’écrire sur un sujet d’une quelconque grande vérité liée à notre vie spirituelle, mais simplement d’en dire suffisamment pour me présenter, dans l’espoir que, lorsque je connaîtrai mieux les lois régissant cette technique, il me sera permis de revenir vers vous et d’écrire sur les choses que j’ai apprises depuis que je suis devenu esprit, et qu’il aurait été, non seulement très souhaitable mais, très important d’apprendre lorsque j’étais sur terre.

J’étais, lors de ma vie terrestre, un soi-disant philosophe et j’ai consacré de nombreuses années de ma vie à la recherche de la vérité relative non seulement au monde naturel, mais aussi à ce que je concevais comme étant la vérité liée à ce monde ou à l’existence en dehors, et au-delà, du monde des sens. Et, dans mes recherches, j’ai été coupable de nombreuses spéculations qui, je le vois maintenant, ne reposaient sur aucun fondement mais sur lesquelles j’ai bâti de nombreuses conclusions et postulats. Je n’avais que l’intellect, alimenté dans son fonctionnement par la connaissance issue des phénomènes purement physiques et, comme je le pensais, par cette grande faculté appelée raison, qui, en fait, est une faculté merveilleuse, mais dans son exercice, elle dépend d’abord de son propre développement, et ensuite, de la question de savoir si ce développement a été conforme à la vérité et en accord avec elle.

Une raison, simplement parce qu’elle est une raison, n’est pas un guide sur lequel on peut compter, car un raisonnement erroné doit nécessairement conduire à des conclusions erronées, et le simple fait d’appeler ou de croire que ces conclusions sont le résultat de la raison ne justifie pas la croyance que les conclusions doivent être correctes et véridiques. La raison peut être erronée et mise en avant par erreur, tout comme les sens ; et, par conséquent, si vous lisez les écrits des philosophes et des métaphysiciens, et aussi des scientifiques, vous constaterez que les choses déclarées et acceptées par ces hommes à une époque ont été répudiées et rejetées par les successeurs de ces hommes à des époques ultérieures.

Ainsi, lorsque j’ai écrit, et j’ai beaucoup écrit, et j’ai été très largement lu par ce qui était considéré comme la classe pensante des hommes, et en particulier par ceux dont les recherches les ont menés dans une ligne d’étude et un domaine similaires aux miens, j’ai déclaré certaines doctrines ou principes liés à ces questions métaphysiques et philosophiques que je sais aujourd’hui être totalement erronés. Cependant je croyais fermement à l’époque que ces idées étaient des faits réels, parce qu’elles étaient en grande partie basées sur ce que je pensais être le véritable fonctionnement de la raison, avec quelques connaissances empiriques.

Je ne veux pas pour autant décrier la valeur et l’importance de la faculté de la raison, car elle a été le grand facteur qui a opéré (créé) le progrès de l’humanité, mais comme d’autres facultés limitées, elle est soumise à un exercice erroné et ne peut être considérée comme une chose infaillible. L’expérience commune des hommes a montré que les hommes qui ont exercé sincèrement, sérieusement et constamment leurs facultés de raisonnement, sont arrivés à des conclusions différentes et contradictoires quant aux mêmes principes ou sujets, et ces conclusions ont été entièrement satisfaisantes et convaincantes pour les personnes respectives. Il est maintenant évident que dans de tels cas, tous ces hommes ne pouvaient pas avoir des conclusions correctes, et dans de nombreux cas, aucune d’entre elles n’était correcte, alors qu’elles étaient toutes fondées sur la raison, correctement et intelligemment exercée, comme ils le supposaient.

Non, la raison est faillible, et elle n’est pas une chose en soi, mais dépend des environnements et parfois d’idées héritées ou préconçues sur ce que doit être la vérité. Elle est la grand amie et défenseur de la spéculation, et sans elle la spéculation ne pourrait pas exister, et si souvent la spéculation est trompée par son amie. La vérité est ce qui existe en tant que condition ou fait immuable, et la spéculation ne peut ni créer ni détruire la vérité ; et la raison est un moyen qui peut être utilisé pour atteindre la vérité lorsque la connaissance n’existe pas. Mais le fait que la raison existe ne signifie pas qu’elle est toujours utilisée de la manière qui mène à la découverte de la vérité. La raison, comme je suis maintenant justifié de le dire, n’est qu’une créature de Dieu, comme tout le reste de Son univers ; et lorsqu’elle est donnée à l’homme avec la liberté de l’exercer comme il le veut, elle est soumise à toutes les possibilités d’exercice défectueux auxquelles toute autre faculté possédée par l’homme est soumise, et n’est pas plus infaillible dans sa nature que ne le sont ces autres facultés.

Mais c’est la plus grande faculté que l’homme possède en tant que créature du Tout-Puissant, et sans elle, certains sages de la terre ont dit que l’homme ne serait pas meilleur ou différent de l’animal. Mais ce n’est pas tout à fait vrai, car l’homme possède une qualité qui lui est propre et que l’animal n’a pas, à savoir une âme faite à l’image de son Créateur. On peut dire que la raison n’est qu’un appendice de l’âme ; et j’ai raison d’affirmer que l’âme, dans son progrès, peut se passer de cette raison ou la rejeter sans pour autant se faire du tort car, comme je l’ai appris en progressant dans la vie spirituelle, l’âme peut arriver, et arrive effectivement, à ce degré de développement où la raison n’est pas nécessaire ou même utilisée par elle dans son acquisition de la vérité.

Je crois maintenant, et sans spéculation, que la raison est un don fait à l’homme pour ne lui être utile que dans sa vie terrestre et dans une partie de cette vie spirituelle, jusqu’à ce que l’âme parvienne à une connaissance de la vérité par l’exercice du simple désir de savoir. La connaissance du pourquoi et du comment n’est pas nécessaire, mais l’homme sait parce qu’il sait, tout comme dans votre vie terrestre vous avez une connaissance de la lumière du soleil même si vous ne savez pas le pourquoi et le comment qui produisent cette lumière.

Eh bien, mon nouvel ami, j’ai écrit plus que je ne l’avais prévu. Cependant, en continuant, j’ai trouvé que le désir d’écrire progressait, et je crains d’avoir trop abusé et je prie pour votre pardon. Un jour, j’aimerais venir écrire sur les erreurs de certains des enseignements de la terre, ou plutôt sur les vérités qui se trouvent dans la ligne du sujet de mes écrits terrestres, tels que je les connais maintenant.

Je suis dans ce que l’on appelle les plans intellectuels de la cinquième sphère et très près de l’entrée de la sixième sphère, dans laquelle j’espère me trouver dans peu de temps. Cela fait longtemps que j’ai quitté la vie terrestre, et la première période de mon existence dans le monde des esprits a été une période de stagnation, et, comme je le vois maintenant, simplement parce que j’ai apporté avec moi de nombreuses doctrines de la philosophie de ma vie terrestre, et en conséquence j’ai continué mes recherches selon les idées et les voies que j’avais suivies en tant que mortel. Le temps ainsi passé fut long et se poursuivit jusqu’à ce que je sois convaincu que la spéculation dans la vie de l’esprit n’est pas très différente et n’arrive pas à une fin plus satisfaisante que la spéculation sur terre, et alors j’ai cessé de spéculer et j’ai attendu quelque chose, je ne sais quoi. Et, chose étrange à dire, ce qui m’est venu d’un esprit qui n’avait jamais entendu parler de ma philosophie ni d’aucune autre philosophie sur terre, mais qui a simplement accepté la vérité telle qu’elle lui est venue progressivement, sans savoir ni pourquoi ni comment. Et j’ai vite appris qu’il avait une plus grande connaissance des vérités que moi, et j’ai donc adopté sa façon de recevoir la vérité, et depuis lors j’ai progressé et j’avance maintenant à une vitesse fulgurante – tout cela pour mon bonheur et mon plaisir intellectuel. Au revoir, votre ami, Spinoza.

  1. Baruch Spinoza ( né Benedito de Espinosa, 24 Novembre 1632 – 21 Février 1677, plus tard Benedict de Spinoza) était un philosophe néerlandais d’origine Sépharade Portugaise. L’ampleur et l’importance de l’œuvre de Spinoza n’ont été pleinement réalisées que de nombreuses années après sa mort. En jetant les bases des Lumières du XVIIIe siècle et de la critique biblique moderne, y compris des conceptions modernes du soi et de l’univers, il est devenu l’un des grands rationalistes de la philosophie du XVIIe siècle. (Source : Wikipédia)