Par ordre Chronologique 1917

James A. Garfield aimerait pouvoir influencer notre président en lui disant qu’il néglige des questions d’une plus grande importance à à cause de sa position de paix

James Garfield - reçu par James Padgett le 27 Février 1917, Washington, USA.

Je suis James A. Garfield.

Je viens ce soir pour partager quelques mots au sujet de l’état actuel des affaires de notre pays, car j’ai été très intéressé par ce qui s’est passé au cours des dernières semaines, et en particulier par l’attitude du président en ce qui concerne l’Allemagne et sa méthode inhumaine de poursuivre son système de destruction sous-marine de navires marchands.

Je sais que ce que je dis n’a peut-être pas d’importance pour plusieurs raisons : l’une est que personne ne vous sauvera et quelques-uns de vos amis comprendront, et l’autre, qu’un chien vivant est plus important qu’un lion mort. Mais j’ai néanmoins le sentiment que je devrais exprimer certaines des réflexions qui me viennent à l’esprit en référence à ces conditions vitales et critiques qui existent actuellement.

Le Président a été fortement entravé par son désir de préserver la paix, ou plutôt de garder notre pays hors de la guerre, et ce désir l’a si fortement possédé que d’autres faits d’une importance plus grande, et plus vitale pour le bien-être du pays, ont été ignorés et placés au second plan par lui et ses conseillers.

La paix est très souhaitable et les vies humaines sont très chères à ceux qui doivent répondre à l’appel à sacrifier les leurs, cependant l’honneur et la préservation de la nation sont beaucoup plus importantes que les premières, car la paix n’est pas nécessairement une chose qui ne peut exister qu’en l’absence de guerre, car elle peut exister en réalité pendant que la guerre progresse, de manière plus importante même que lorsque la guerre est réellement en cours. Je veux dire que, même aujourd’hui, il y a un très grand besoin de paix dans la vie individuelle des personnes, même si le pays, en tant que nation, n’est pas en guerre.

Et la vie de l’individu n’a pas autant d’importance que la vie de la nation, car si la nation est détruite, ou soumise à la domination d’un autre pays, la vie de l’individu peut ne pas valoir la peine d’être vécue, comme dans le cas de la pauvre Belgique.

Mais, comme je le disais, cette volonté du Président de préserver la paix l’a conduit à ignorer les droits de la nation et de l’individu qui ont été menacés et lésés par les actions de l’Allemagne, dans ses attaques contre les droits de la nation à poursuivre ses activités commerciales et à jouir de la liberté des mers, qui a toujours été préservée jusqu’ici, et à établir ce que cette nation, autrefois, s’est battue pour instituer et faire reconnaître.

Il sera déçu dans son attente à voir qu’une sorte de Providence intervienne et empêche l’acte flagrant qu’il estime nécessaire pour justifier son entrée dans le conflit, car cet acte manifeste non seulement aura lieu, mais il s’est déjà produit, et la cause qu’il attendait est maintenant un fait réel.

Il est très regrettable qu’il ait retardé sa décision, car s’il avait pris une position ferme, et déterminée, il y a quelques mois, et fait savoir à l’Allemagne que l’Amérique préserverait, si nécessaire, même par la force des armes, ses droits, l’Allemagne ne serait plus aussi agressive et belligérante, de nombreux navires n’auraient pas été détruits, et de nombreuses vies auraient été sauvées.

Mais cette politique hésitante fit croire aux dirigeants allemands qu’il ne désirait pas la guerre et qu’il s’abstiendrait d’y entrer réellement et, par conséquent, qu’il ne prêterait pas attention à tout acte de leur part qui ne porterait pas atteinte aux droits des États-Unis. Et ce sentiment de la part de l’Allemagne a progressé jusqu’à ce qu’elle soit amenée à commettre des actes qu’elle se serait normalement abstenue de perpétrer. Après s’être retrouvée dans la situation désespérée qu’elle connaît actuellement, elle est arrivée à la conclusion que le seul acte possible était d’instaurer le blocus, et de détruire tout ce qui entrave la réalisation de ce plan. Les États-Unis devaient alors soit se soumettre à ses exigences ou entreprendre tout ce qu’ils jugeraient bon de faire pour protéger leurs droits, en espérant toutefois éviter la guerre en reconnaissant le blocus et en empêchant ses navires d’entrer dans la zone concernée.

Le temps est maintenant venu pour M. Wilson de réaliser qu’il ne peut plus rester neutre et de faire ce qu’il aurait dû faire il y a longtemps. Je vois que ce retard entraînera la destruction de nombreux navires et le sacrifice de nombreuses vies humaines, mais c’est la seule chose que l’on puisse faire pour éviter une plus grande catastrophe.

J’espère donc qu’il ne tardera plus, mais qu’il déclarera la guerre ou qu’il demandera au Congrès de déclarer la guerre, immédiatement, et de mettre ainsi le pays en mesure de préserver et de maintenir efficacement ses droits. Et je fais ces prédictions, que dès que cela sera effectué, le début de la fin viendra, et, qu’avant le milieu de l’été, la paix viendra et la guerre cessera, bien que ses effets apparaîtront avec une horreur plus certaine que maintenant, et se feront sentir pendant plusieurs années à venir. J’espère qu’il agira maintenant, et si je pouvais l’inciter à le faire, je n’hésiterais pas à le faire et je n’aurais aucun doute quant à cette décision.

Je n’écrirai pas plus, et je vous souhaiterai une bonne nuit.

Votre véritable ami, Garfield.