Messages Contemporains 2003

La pièce de monnaie dans la bouche du poisson

Judas - reçu par H____ le 14 Avril 2003, Cuenca, Équateur.

Nous sommes un lundi de Pâques, mon cher frère : je vais traiter d’un sujet qui n’est lié à la fête de Pâques que de façon éloignée. Je vais répondre à la question à laquelle tu as beaucoup pensé ces derniers temps.

[H : Tu fais allusion à la pièce de monnaie dans la bouche du poisson ?]

Exactement. Insère ici le texte tel qu’il est présenté dans la Bible. - Matthieu 17:24-27

Lorsqu’ils arrivèrent à Capharnaüm, ceux qui percevaient les deux drachmes s’adressèrent à Pierre, et lui dirent : Votre maître ne paie-t-il pas les deux drachmes ?

« Oh, oui, il le fait ! » répondit Pierre.

Et lorsqu’il fut entré dans la maison, Jésus le prévint, et dit: « Qu’en penses-tu, Simon? Les rois de la terre, de qui perçoivent-ils des tributs ou des impôts? De leurs fils, ou des étrangers?…»

« Des étrangers », répondit Pierre.

« Les fils en sont donc exempts. » répondit Jésus. « Mais, pour ne pas les scandaliser, va à la mer, jette l’hameçon, et tire le premier poisson qui viendra; ouvre-lui la bouche, et tu y trouveras une pièce de monnaie. Prends-la, et donne-le-leur pour moi et pour toi. »

Comme tu le sais très bien, chaque Juif, chaque mâle Israélite, lorsqu’il atteint l’âge de vingt ans, avait l’obligation de payer un tribut annuel d’un demi-sicle d’argent au Temple de Jérusalem. Les Samaritains et les Gentils étaient exemptés de cette contribution, mais ils pouvaient, volontairement, faire un don.

[H : Ce qui n’est jamais arrivé, je suppose.]

Sois prudent avec ton jugement, mon cher ami. Je sais que cela semble absurde que quelqu’un paie volontairement une taxe. Mais tu devrais peut-être simplement la considérer comme une contribution religieuse. Tu as lu que de très nombreuses personnes, partout dans l’Empire Romain, suivaient les pratiques religieuses des Juifs sans être Juifs. Ils refusaient la circoncision et, pour cette raison, ils étaient alors exclus de la communauté Juive à proprement parler. Mais ils participaient dans les synagogues. Ces Gentils qui n’ont pas accompli cette dernière étape de leur intégration dans la religion Juive, c’est à dire ceux qui n’étaient pas circoncis, étaient appelés « des craignant-Dieu » Ceux qui suivaient tous les rites d’intégration, notamment la circoncision, étaient appelés des prosélytes. Ils étaient vraiment devenus Juifs, conformément à la Loi, et ils avaient accès à toutes les parties du Temple qui étaient réservées exclusivement aux Juifs. Les craignant-Dieu, en revanche, étaient toujours considérés, selon la loi, comme des Gentils.

Mais retournons au sujet de mon récit : Quand je dis l’obligation du paiement d’un tribut, je veux dire qu’il y avait une loi à cet égard. Ce ne fut pas toujours le cas au long de l’histoire d’Israël; mais de nombreuses années avant que Jésus ne naisse, lorsque les Pharisiens exerçaient une grande influence sur la politique Juive — plus encore que les Sadducéens l’ont fait — cette secte formaliste et légaliste a réussi à persuader les autorités d’émettre une loi qui rendait obligatoire le paiement de cette taxe. Ils avaient formulé cette demande sur la base des Écritures Sacrées Hébraïques. En fait, il n’y avait pratiquement aucune base juridique pertinente dans ces écrits, mais les Pharisiens sont habilement venus avec une interprétation pratique.

Le recouvrement de l’impôt n’a pas créé un problème à Jérusalem même. Mais tu sais qu’une grande partie des Juifs, même la majorité d’entre eux, vivait à l’extérieur de la Palestine, dans des lieux distants comme Alexandrie, Antioche, Rome et Babylone. Cette dernière région n’appartenait même pas encore à l’Empire Romain au cours de la vie terrestre de Jésus, mais était plutôt sous contrôle de Parthe, ennemi juré des Romains.

Mais les Pharisiens étaient aussi venus avec un système ingénieux pour ramasser l’argent : Chaque année, au début du mois qui précédait la fête de la Pâque, les émissaires spéciaux du Temple annonçaient à toutes les communautés Juives, à l’intérieur et à l’extérieur de l’Empire Romain, que l’heure du paiement de la taxe approchait. Ils voyageaient à travers tous les villages Juifs et les quartiers des grandes villes. Ils parlaient devant les congrégations, dans les synagogues, et ce faisant, ils réussissaient à atteindre tous les Juifs et ils les exhortaient d’honorer leur obligation.

Alors, au milieu de ce même mois, ils dressaient leurs tables dans les centres Juifs, sur les marchés, devant les synagogues, dans les ports, en tout lieu qu’ils considéraient comme un bon endroit pour encaisser de l’argent. Bien entendu, ce travail était tellement énorme que les émissaires ne pouvaient pas le réaliser seul. Par conséquent, chaque communauté aidait avec des gens reconnus pour leur honnêteté et qui se portaient volontaires comme collecteurs d’impôts pendant dix jours. Après cette période, il n’était plus possible de payer la taxe à l’extérieur du district du Temple.

À Jérusalem, et dans les régions adjacentes, l’argent collecté était apporté quotidiennement au Temple. Dans des zones éloignées ce n’était pas possible, bien entendu. Là, les Juifs ont installé des centres pour déposer l’argent – habituellement dans la maison d’un dignitaire de la communauté – et, lorsque la campagne de collecte de l’impôt était conclue, l’argent des contribuables était expédié vers la Palestine. Pendant les derniers jours du mois d’Adar et les premiers jours du mois de Nissan, à la fin de l’hiver et au début du printemps, des caravanes et des bateaux transportaient les revenus à Jérusalem. Bien entendu, des soldats ou des gardes, lourdement armés, sécurisaient tous ces transports. Des pirates et des bandits de grand chemin abondaient.

[H : Quel était le montant des revenus du Temple ?]

Je ne peux pas te dire le montant exact.

[H : Mais approximativement.]

Eh bien, de mon temps, ils récoltaient environ 30 tonnes d’argent par an.

[H : Ouah ! Cela semble une somme énorme !]

En effet. La valeur de l’argent était alors beaucoup plus élevée qu’elle ne l’est aujourd’hui. En fait, c’est la somme que je viens de citer et un peu plus. Je vais t’expliquer cela brièvement.

Tous les mâles Juifs de vingt ans ou plus devaient payer un demi-sicle. Ce montant est égal à la somme de deux deniers romains ou de deux drachmes grecques. En d’autres termes, il était égal au salaire d’un travailleur paysan pour deux jours. Ce n’était pas beaucoup, bien sûr, mais tu dois considérer que les personnes, les Juifs, devaient payer cette taxe en plus des autres taxes impériales. Cependant, en général, ils l’ont fait sans offrir de résistance. Mais si l’une ou l’autre personne refusait d’obéir, les autorités Juives avaient le mécanisme juridique – grâce aux Pharisiens – pour obtenir le paiement par la force. Mais ce fut rarement nécessaire d’appliquer la contrainte. Si un Juif ne payait pas volontairement, cela signifiait sa marginalisation dans la société, c’est-à-dire, il devenait un paria dans la communauté où il vivait : sans aucun doute, ce n’était pas une perspective agréable.

Maintenant, l’histoire de Matthieu contient un grain de vérité. Durant toute sa vie adulte, Jésus, de même, avait payé le tribut au Temple comme tous les autres Juifs le faisaient. Mais lorsqu’il eut déjà prêché plusieurs années, il est devenu très évident qu’il y avait de fortes tensions entre Jésus et les autorités religieuses Juives. C’est la raison pour laquelle les collectionneurs, lorsqu’ils ont dressé leur petite table pliante et leurs balances…

[H : des balances ?]

Oui. De nos jours, plusieurs banques centrales gardent leur or dans leurs coffres pour maintenir et soutenir la valeur de l’argent, qui, en gros, est juste du papier en circulation. Mais, à cette époque, les pièces de monnaie portaient leur propre valeur sous forme de métal – or, argent voire même cuivre. Leur poids et leur alliage déterminaient leur valeur commerciale. Un denier romain pesait un peu moins de 4 grammes, le sicle Tyréen pesait quatre fois plus. Par conséquent, il a été calculé qu’un demi-sicle équivalait à environ deux deniers. Malheureusement, les banquiers, les commerçants et les collecteurs d’impôts trichaient souvent à l’encontre des gens.

[H : Eh bien, ils le font encore…]

Il n’était pas mon intention de faire allusion à quoi que ce soit. À cette époque, ils ébréchaient souvent le bord des pièces de la monnaie afin de réduire leur poids. Ensuite, ils utilisaient l’argent récolté de cette façon afin de payer leurs employés ou pour leurs transactions commerciales. Mais lorsque les gens venaient payer leurs impôts, les collecteurs vérifiaient scrupuleusement le poids des pièces de monnaie et ils rechargeaient n’importe quel poids manquant. C’est la raison pour laquelle ils transportaient avec eux des balances.

En outre – et maintenant, je vais répondre à la question ci-dessus à l’égard « du surplus » qui était recueilli – le Temple acceptait uniquement comme pièces de monnaie les Tyréens, les sicles d’argent. Si quelqu’un souhaitait payer avec d’autres pièces – et la plupart le faisaient – les collecteurs d’impôts faisaient une conversion, mais ils facturaient le service : un quart d’un denier pour un demi-sicle d’argent. Maintenant calcule : Un demi-sicle argent valait 2 deniers. Ils facturaient un quart d’un denier (ou 4 ases de cuivre) pour le changement.

En d’autres termes, ils recueillaient un huitième en plus de l’impôt. Certains payaient dans la devise appropriée, par conséquent, l’excédent perçu s’élevait à plus ou moins 10 % des recettes fiscales totales. S’ils recueillaient environ 30 tonnes d’argent, les changeurs facturaient en sus 3 tonnes d’argent par an. Ces changeurs de monnaie était des employés d’Anna et de ses sbires, et ce revenu de 3 tonnes d’argent étaient le leur, cet argent n’allait pas dans les fonds de Temple. Ce n’était pas une mauvaise affaire.

Mais maintenant, revenons à Capharnaüm. Dans le port du village, où ils avaient dressé leur stand, les collecteurs d’impôts ont posé la question moqueuse à Pierre : « Hé, Pierre, es-tu certain que ton Maître paiera l’impôt ? » Ils évoquaient la tension entre Jésus et la maison d’Anna. Et le pauvre Pierre n’était plus si sûr, cependant, il a répondu : « Bien-sûr. Quelle question stupide ! »

Jésus nous a alors expliqué qu’il payait simplement l’impôt parce qu’il ne voulait pas scandaliser les gens. Il savait que Dieu n’avait pas besoin de cet argent. Cependant, le Temple formait une institution centrale de la société et de la religion Hébraïque. L’argent était utilisé à des fins multiples : en dehors de l’évidence, c’est-à-dire, pour payer les salaires des nombreuses personnes qui travaillaient dans le Temple, pour fournir les fonds pour l’entretien et la réparation du Temple et autres obligations, y compris toutes ces choses nécessaires pour un fonctionnement religieux régulier, les taxes étaient dépensées pour les travaux publics, telles que, par exemple, la réparation des rues et des routes et pour l’entretien des bâtiments publics, il était utilisé à des fins sociales. Jésus a dit que le bien commun justifiait le sacrifice. Il y avait une déviation des fonds et un enrichissement éhonté de certains responsables, nous le savions tous. Mais l’alternative de ne pas payer n’était pas la façon de résoudre ce problème.

Ainsi, nous sommes tous allés dans la rue et nous nous sommes dirigés vers la table des collecteurs afin de payer notre tribut.

Cet épisode fut inclus ultérieurement dans l’Évangile pour justifier la collecte de tributs pour l’église nouvellement née, laquelle avait également besoin de fonds pour son fonctionnement. Et même plus tard, un éditeur grec ajouterait l’histoire miraculeuse du poisson tenant une pièce d’argent dans sa bouche. Bien sûr, il s’agit d’un message symbolique : Le poisson représente le Christ, ou le corps du Christ, c’est-à-dire, son église. Dans sa bouche, ou dans ses enseignements, il y a la pièce, ce trésor qui miraculeusement vient de Dieu et pour Dieu.

Je conclus ce long message sur un sujet pas très transcendant. J’espère qu’il a satisfait ta curiosité. Prenons une pause maintenant.

Puisse Dieu te bénir toujours.

Ton frère.

Judas.

© Geoff Cutler 2013

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