Messages Contemporains 2002

Les Samaritains, troisième partie

Judas - reçu par H____ le 2 Mai 2002, Cuenca, Équateur.

Maintenant, mon cher frère, comme je te l’ai promis, je vais t’expliquer, en quelques mots, la religion des Samaritains ou « Shomronim. »

D’après ce que j’ai mis en avant précédemment, il est facile de conclure que les Samaritains, en tant que successeurs des tribus du nord d’Israël, avaient et ont encore, des croyances très similaires à celles des Juifs. Cependant, certains points de divergence existent.

Il est également nécessaire de rappeler encore une fois que le Judaïsme du premier siècle ne constituait pas un bloc monolithique, mais qu’il avait de multiples facettes et divers courants, avec lesquels le Christianisme, au début, s’est adapté sans problèmes.

Il est également nécessaire de se rappeler que, dans les temps anciens, il n’y avait pas de canon pour la Bible Hébraïque. Cette liste des livres considérés comme inspirés, a été créé beaucoup plus tard, à Jamnia au 1er siècle, au début du Judaïsme rabbinique, lorsque la religion des Hébreux avait déjà perdu beaucoup de sa diversité en raison d’une guerre dévastatrice contre Rome, et une grande destruction de la culture Juive en Palestine.

L’un des critères pour l’inclusion des livres était le suivant : ces écrits devaient pouvoir justifier d’un manuscrit en Hébreu ou en en Araméen. Nous ne devons pas oublier que la culture Juive avait subi de nombreux changements grâce à l’influence Hellénistique et beaucoup de Juifs, en particulier ceux qui vivaient dans la Diaspora, n’étaient plus en mesure de parler ou lire en Hébreu. Ils utilisaient la langue Grecque, le Grec Koinè, universellement reconnu dans la partie orientale de l’Empire Romain comme « lingua franca ». Cette absence de maîtrise de la langue sacrée originale avait conduit à une traduction des écritures Hébraïques en Grec, des siècles plus tôt, cette œuvre avait été effectuée à Alexandrie, le plus important centre Juif à l’extérieur de la Palestine. Cette traduction existe toujours et est appelée « la Septante », un mot Latin qui signifie « soixante-dix », abrégé par les chiffres romains : LXX pour soixante-dix.

L’église Catholique ajoutera, plus tard, quelques autres livres dans son canon, par exemple, les deux livres des Macchabées qui ne sont pas considérés comme inspirés par les Protestants ou les Juifs. Le canon de la Bible n’est donc pas une liste universellement acceptée, mais il varie plutôt d’une religion à une autre, d’une église à une autre.

Les Samaritains avaient aussi, et ont encore, leur propre canon. Le plus court de tous, il se compose seulement de cinq livres, le Pentateuque, appelés également Livres de Moïse ou Torah, ou encore La Loi. Tout le reste des écritures Hébraïques n’est pas reconnu par eux, ni les Livres des Prophètes, ni ceux de la Sagesse, ni ceux de l’histoire, etc.. Ce n’est pas surprenant, étant donné que ces livres, au moins en partie, ont été composés beaucoup plus tard, après la séparation, surtout pendant la captivité Juive à Babylone. Bien sûr, les Samaritains ont rejeté ces écrits comme des œuvres d’hérésie Juive.

Cependant, avec la reconnaissance de la seule Torah, les Samaritains ont été en bonne compagnie : les Sadducéens Juifs, les « gardiens du Temple », ont également rejeté tous les autres livres. On retrouve ici un point très important que les deux confessions ont en commun.

Durant la période du second Temple, le Judaïsme, à l’exception des Sadducéens, a vénéré les prophètes d’une manière particulière, comme Élie, Jérémie, Zacharie, etc., les Samaritains ont exalté un autre homme, également un prophète : Moïse, qui était certainement pour eux « l’homme de Dieu. »

Après que les membres de la prêtrise, presque tous des Lévites, furent expulsés du Royaume d’Israël suite à la déportation de l’intelligentsia par les Assyriens, il ne restait plus aucun prêtre. Les Samaritains commencèrent alors leur propre lignée des prêtres.

Les Samaritains étaient et sont toujours très stricts dans le respect de la Loi de Moïse, une rigidité et une ferveur qui a même provoqué l’admiration des Juifs, qui n’avaient pas pour habitude de prendre en considération ce que les Samaritains faisaient ou pensaient. Ils pratiquaient la circoncision, le Sabbat, ils célébraient les fêtes Israélites comme il était précisé dans la Torah. Ils ne reconnaissaient pas bien sûr, les fêtes établies ultérieurement par les Juifs, comme Pourim.

La langue des Samaritains était une variante de l’Araméen Palestinien, un dialecte qui les distingue, mais qui est facilement compréhensible par les Juifs. Mais leurs écrits sacrés, la Torah, bien sûr, ont été écrits dans la langue sacrée de leurs ancêtres, en Hébreu.

Quand on lit la Bible Samaritaine et les livres correspondants des Juifs, un grand nombre de différences frappantes sont évidentes, en raison, d’une part d’erreurs dans le processus de copie, et, d’autre part, en raison d’altérations, en partie conscientes, pour ajuster les écrits à leurs nécessités.

Toutefois, il est essentiel de préciser que les divergences n’étaient pas seulement la conséquence des changements perpétrés par les Samaritains. Le fait est que l’ancien texte de la « Septante » est peut-être plus proche des écrits des Samaritains que les présentes écritures des Juifs (texte massorétique) et révèle, assez clairement, que les deux parties ont contribué, d’une manière tendancieuse, aux variantes textuelles. En outre, il faut dire que, même dans les Écritures Hébraïques, il n’y a aucune norme universellement acceptée. Au lieu de cela, un large éventail de diverses variantes existe, qui sera seulement normalisé lorsque le Judaïsme aura perdu son caractère multiforme, après la révolte de Bar Kokhba. Bien sûr le Pentateuque Samaritain a échappé à la tendance unificatrice.

Après la destruction du Temple de Jérusalem, les sacrifices de l’agneau pascal se sont arrêtés. Mais les Samaritains perpétuent encore, de nos jours, cette tradition. En d’autres termes, ils s’accrochent encore aux rites archaïques des anciens Hébreux.

Il serait faux de conclure, de ce que j’ai mis en avant, que les Samaritains, contrairement aux Juifs, respectent exclusivement les écritures de Moïse, rejetant toutes les autres traditions. Bien sûr, ils ont rejeté la tradition des prophètes et surtout, ultérieurement, les préceptes rabbiniques. En revanche, ils ont développé leurs propres coutumes et législations en plus de ce qui est écrit dans la Torah. Il s’agit d’un processus naturel de développement dans toutes les communautés humaines.

Les Samaritains croient également dans l’au-delà et en la venue d’un Messie. Cette déclaration est un peu générale, car parmi eux, comme chez les Juifs, il y a aussi plusieurs sectes et branches. Je parlerai de certaines d’entre elles lorsque nous traiterons des temps de l’ancienne église.

En bref, j’ai voulu peindre un tableau multicolore avec ma description des Samaritains. Je veux que tu comprennes qu’il n’y a pas « les Juifs » et « les Samaritains », mais une large gamme de divers groupes et sectes dans les deux communautés. Nous parlerons toujours des Pharisiens, des Sadducéens et des Esséniens, parce qu’ils étaient les groupes de plus grande importance ou d’influence, mais il y avait d’autres groupes, tels que les successeurs des Réhabites, les Boéthusiens, qui se sont appelés « les justes ». Même dans la Diaspora Juive, diverses sectes se sont épanouies, comme la célèbre « Therapeutae » d’Égypte, des moines guérisseurs qui guérissaient les maladies dans leur corps et leur esprit. Et nous avons aussi déjà mentionné qu’il y avait, même à l’intérieur des diverses sectes, des courants substantiellement différents, comme dans l’exemple des Pharisiens des maisons de Hillel et Shammai. On pourrait aussi parler des disciples de Jean le Baptiste comme d’un groupe distinct, les Johannites, qui ont même entrepris des activités missionnaires à l’étranger.

Je veux que tu comprennes que les Chrétiens primitifs faisaient partie de cette diversité religieuse, dans laquelle ils évoluaient sans problèmes, et que dans les premières décennies après la mort de Jésus, la question n’était pas, « êtes-vous Juif ou Chrétien ? » mais « Êtes-vous un Juif de telle ou telle secte ? »

Les Samaritains ne se considéraient pas eux-mêmes comme Juifs, parce que, comme son nom l’indique, un Juif est membre de la tribu de Juda, avec sa culture et sa religion respective. Les Samaritains se considéraient, et se considèrent encore, comme les successeurs des tribus Israélites du Nord, des Hébreux comme les Juifs le sont, des survivants des tribus d’Ephraïm et de Manassé, avec leur version (plus authentique, selon leur opinion) de l’ancienne religion de Moïse.

Avec cela, nous allons terminer notre récit sur l’histoire des Samaritains. Toutefois, comme nous avons consacré beaucoup de temps à ce sujet, nous allons continuer avec la célèbre parabole du « Bon Samaritain » pour laquelle nous donnerons une explication que tu ne trouveras pas dans les manuels scolaires.

A très bientôt, mon cher frère.

Judas de Kerioth.

© Geoff Cutler 2013

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