Messages Contemporains 2002

L’administrateur infidèle

Judas - reçu par H____ le 19 Avril 2002, Cuenca, Équateur.

Mon cher frère H____ ,

Lorsque les gens prêchent la religion, présentent les préceptes pour vivre ensemble, ou te conseillent sur ce que tu dois faire ou sur ce que tu devrais laisser de côté, ils sont naturellement confrontés, en de nombreuses occasions, avec des questions pratiques sur « la vie réelle ». Ceci s’est également produit dans le cas de Jésus.

Un jour, au cours d’un sermon sur le thème de la justice, le Maître a présenté une parabole qui constitue aujourd’hui pour les gens un gros problème. Cette parabole considérée comme la plus difficile à comprendre ou à interpréter dans le Nouveau Testament, figure au chapitre 16 de l’Évangile selon Luc.

Jésus a dit:

Un homme riche avait un économe, qui lui fut dénoncé comme dissipant ses biens. Alors, il l’appela et dit: « Qu’est-ce que j’entends dire de toi ? Rends compte de ton administration, car tu ne pourras plus administrer mes biens. »

Jusqu’à présent, nous ne savons pas si cette accusation est justifiée ou fausse, mais il est clair que le gestionnaire a vraiment craint pour son travail.

L’économe dit en lui-même, « Que vais-je faire maintenant si mon employeur me retire l’administration de ses biens ? Travailler la terre ? Je ne le puis. Mendier ? J’en ai honte.… Je sais ce que je vais faire, pour que des gens me reçoivent dans leurs maisons quand je serai destitué de mon emploi ! »

Ici, il est nécessaire d’expliquer que les propriétaires des grandes propriétés foncières ne vivaient pas sur leurs terres dans le pays, mais dans les grandes villes, souvent même en dehors de la Palestine. De temps à autre, ils visitaient leurs grandes propriétés foncières afin de vérifier la façon dont elles étaient administrées.

Dans la campagne Palestinienne, une pauvreté terrible régnait. Beaucoup de personnes privées louaient des parcelles pour les cultiver, mais au lieu de sortir de leur pauvreté, leurs dettes augmentaient de façon constante et dans des cas extrêmes, comme dernier recours, elles se vendaient comme esclaves à leur propriétaire pour une période de temps convenue. Dans d’autres cas, leurs dettes étaient transférées à leurs enfants et ces derniers devaient travailler les terres des gens riches sans espoir de jamais être en mesure de surmonter leur dépendance.

Et, faisant venir chacun des débiteurs de son maître, « Combien dois-tu à mon maître ? » dit-il au premier.

« Une centaine de barils d’huile » a-t-il répondu. « Et il lui dit : Prends ton billet, assieds-toi vite, et écrit cinquante. »

Il dit ensuite à un autre : « Et toi, combien dois-tu? » « Un millier de boisseaux de blé », répondit-il. « Prends ton billet, dit l’administrateur et écrit huit cents. »

Laisse-nous jeter un œil à ce qui se passe à ce moment-là : Deux débiteurs, qui n’avaient pas la possibilité de payer leurs dettes en argent, avaient convenu de payer leur dette en nature. C’était quelque chose de très commun à cette époque. Mais étudions le montant de la dette :

Le premier dit : « Une centaine de barils d’huile », d’huile d’olive, bien entendu. Et bien entendu, il n’a pas dit barils, mais « bains », une mesure Hébreu correspondant à plus ou moins 40 litres ou 10 gallons, chacune. Par conséquent, le pauvre homme devait à son propriétaire la quantité de 4000 litres d’huile d’olive, ce qui correspond à la production annuelle de 100 à 200 arbres matures. Une quantité énorme !

Le deuxième homme a dit : « Un millier de boisseaux de blé. » Il a utilisé le mot « cent kors », indiquant une mesure comprise entre 6 et 7 boisseaux de 220 litres chacun. Par conséquent, il devait 22.000 litres ou 650 boisseaux de blé, peut-être dix tonnes, soit en ce temps-là la récolte annuelle de 10 à 15 hectares. Certainement il ne pouvait même pas envisager de posséder une parcelle de cette dimension pour la culture.

Dans les deux cas, le poids de la dette écrasait le pauvre paysan.

Mais pourquoi le gestionnaire a réduit la dette de 100 à 50 barils d’huile et de 100 à 80 kors de blé ?

Nous arrivons maintenant au point clé de l’histoire. La loi mosaïque interdisait aux Juifs de facturer les intérêts de leurs prêts, du moins dans les cas où le bénéficiaire du prêt était aussi un Juif. Cette loi est très clairement établie dans l’Ancien Testament, et pour cette raison il fut également interdit pour les Chrétiens, au Moyen Age, de facturer des intérêts.

Mais en réalité, personne ne se souciait de cette loi, et tout le monde facturait un taux d’intérêt même supérieur à la norme en vigueur dans l’Empire Romain, c’est-à-dire, à un taux supérieur à 20% d’intérêt.

Pour le blé, en raison de son prix plus stable, le montant des intérêts était fixé à 25%. Pour l’huile d’olive, dont le prix fluctuait largement, le taux d’intérêt utilisé pouvait aller jusqu’à 100%, fatal pour une société agraire, où l’intérêt maximal ne devait pas aller au-delà de 5%. Et ces montants sont exactement ceux que l’administrateur a réduits.

Les paysans et les commerçants, qui ont écouté le discours de Jésus, ont très bien compris ce dont il parlait.

Et Jésus continua :

Maintenant, le maître a fait l’éloge de cet administrateur infidèle parce qu’il avait agi très prudemment. Parce que les enfants de ce siècle sont plus prudents à l’égard de leurs semblables que ne le sont les enfants de la lumière.

Cette phrase est apparemment énigmatique. Elle n’est pas communément comprise. Comment le propriétaire peut-il louer un administrateur injuste, celui qui lui avait causé des torts ? Eh bien, parce qu’en fait, il ne lui a pas causé de torts, il a simplement réduit le montant de l’usure interdite par la loi. Par conséquent, il s’est fait des amis avec les pauvres, avec qui il devrait vivre à l’avenir, et son maître ne pouvait pas le poursuivre en justice. Cette ruse a provoqué l’admiration du propriétaire.

Ici, il est utile d’indiquer un autre détail : Le texte grec ne parle pas littéralement d’un administrateur injuste, mais de « oikonomoV THV adikiaV », c’est à dire « d’un administrateur de l’iniquité ». Et ce serait une traduction beaucoup plus appropriée, bien que la traduction traditionnelle du texte soit également formellement correcte.

Maintenant, qui sont les enfants de la lumière ? C’est la dénomination que les Esséniens se donnaient. Ils vivaient, en général, dans des communautés fermées et isolées, sans beaucoup de contacts avec leurs voisins, sans partager leur spiritualité, sans se soucier des autres, et sans pouvoir rien attendre en retour de leurs voisins.

Et moi, je vous dis : Faites-vous des amis avec les richesses injustes, pour qu’ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels, quand elles viendront à vous manquer.

Cette phrase est également très controversée. Que signifie-elle ? Exactement ce que l’administrateur a fait : réduire les dettes, afin d’alléger la vie des pauvres. Ne pas charger excessivement, et, si ce n’était pas le cas, restituer l’argent réclamé en excès. Ceci est un avertissement tout à fait moderne, ne penses-tu pas? Jésus ne parlait pas de « maisons », mais de cabanes, de huttes misérables, où les pauvres vivaient. Parce que la richesse ne dure pas éternellement, et quand cela se produit, les pauvres les accueilleront dans leurs maisons, qui elles durent. Parce que, comme tu le sais très bien, l’adjectif qui est communément traduit par « éternel », signifie en fait « durable », « qui persiste pendant un certain temps ». 1

Ultérieurement, certains responsables de l’église jugèrent les paroles du Maître inappropriées et ils essayèrent de les changer. Il existe encore des manuscrits où nous pouvons voir que le verbe a été manipulé dans ce passage, il y est écrit : « De sorte que lorsque vous viendrez à votre fin, ils pourront vous accueillir dans les maisons de l’éternité », décalant la critique sociale (qui aurait pu être utilisée contre l’église féodale) à l’au-delà.

Et Jésus a dit :

Celui qui est fidèle dans les moindres choses l’est aussi dans les grandes, et celui qui est injuste dans les moindres choses l’est aussi dans les grandes.… Si donc vous n’avez pas été fidèles dans les richesses injustes, qui vous confiera les véritables ? Et si vous n’avez pas été fidèles dans ce qui est à autrui, qui vous donnera ce qui est à vous ? Nul serviteur ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l’un et aimera l’autre; ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et le pouvoir de l’argent en même temps.

Cela n’a pas besoin de commentaire.

Donc, tu vois, mon cher frère, ce n’est pas si difficile d’interpréter cette parabole. Elle nous enseigne de ne pas tirer profit de nos voisins, de facturer ce qui est juste, de retourner l’argent injustement gagné, et tout simplement de vivre une vie juste en harmonie avec les Lois de Dieu.

Le problème avec l’interprétation de cette parabole se pose quand on veut forcer un sens très religieux qui n’est tout simplement pas présent. C’est de la pure critique sociale. La parabole ne fait pas allusion à Dieu. Et les gens à ce moment-là ont compris exactement ce que je t’ai expliqué.

Te demandes-tu pourquoi les messages de James Padgett ne consacrent pas un seul mot à cette parabole : c’est parce qu’elle n’a rien à voir avec l’enseignement central de Jésus, l’Amour Divin et la transformation de l’âme. C’est une parabole de la catégorie du « levain dans le lot de pâte » ou la « graine de moutarde », etc. C’est un enseignement à vivre ensemble, ou « amour naturel », si tu veux l’exprimer de cette façon.

Nous sommes arrivés à la fin de notre exposé. Le temps est venu de se dire au revoir.

J’espère que ce message servira à clarifier un passage difficile de la Bible. Dans le même chapitre de Luc, il y a un autre exemple de la critique sociale par Jésus. Mais nous en parlerons une autre fois.

Que Dieu te bénisse.

Ton frère en esprit, Judas.

© Geoff Cutler 2013

  1. Ce commentaire est aussi valable pour les passages de la bible se référant à l’enfer et à sa durée.

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